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webziner depuis 1999, blogueur depuis moins longtemps
Consultant international et directeur scientifique de la Fing (Fondation internet nouvelle génération), Jean-Michel Cornu publie un ouvrage sur l'innovation monétaire et les monnaies de l'innovation (FYP edition). Il a accepté de répondre à quelques questions.
JM Cornu - (c) FING
Jean-Michel Cornu bonjour. Vous publiez un ouvrage sur l'innovation monétaire et l'émergence de monnaies numériques tels que les crédits Facebook. Comment expliquez vous cette tendance ? En quoi vont elles changer notre quotidien ?
JMC - Le fait que ce sujet, plus ancien qu'on ne le pense généralement, prenne une nouvelle dimension est dû à plusieurs facteurs : la crise financière et monétaire bien sûr, mais aussi l'arrivée depuis quelques mois de plates-formes permettant de créer sa monnaie sur internet ou sur téléphone mobile qui devraient démocratiser la conception et la diffusion de monnaies complémentaires. Nous devrions donc avoir une émergence de ce que l'on appelle l'innovation ascendante (une innovation faites par un très grand nombre de personnes plutôt que réservée à un petit nombre de chercheurs spécialisés). Pour prendre un exemple, le fait que l'informatique et les réseaux soient passés dans le monde de l'innovation ascendante grace aux micro ordinateurs, au Web et plus récemment au Web 2.0 fait que depuis 1993, la naissance du Web, jusqu'à nos jours il y a eu plus d'innovations (technologiques mais aussi de service ou d'usage) que depuis la naissance de l'humanité jusquà 1993. Que va t-il se passer quand cette explosion d'innovation ne va pas simplement concerner les services en ligne mais également d'autres domaines, y compris l'innovation monétaire ?
Les monnaies complémentaires facilitent CERTAINS échanges (sur une région, une communauté, un domaine comme le durable) contrairement aux monnaies conventionnelles. Il est donc possible de favoriser certaines activités ou certains territoires pour agir sur une communauté. L'impact de monnaies complémentaires sur notre société pourrait donc être majeur, même si elles n'ont pas pour vocation de remplacer les monnaies traditionnelles.
La monnaie est un lien social mais également l'une des expressions de la souveraineté des Etats. Pensez vous que les grandes puissances pourraient s'opposer voire combattre l'émergence de ces monnaies ?
JMC - On observe, de façon apparemment curieuse, l'inverse : c'est le maire d'une ville de deux millions d'habitants, Curitiba au Brésil, qui a lancé une monnaie pour résoudre à la fois ses difficultés de ramassage des déchets et ceux de développement du trafic (cette monnaies peut être gagnée en triant ses déchets et même pour les plus pauvres en ramassant les déchets dans les autres quartiers et peut être dépensée en transport en commun) . Plus récemment les gouvernements du Brésil puis du Vénézuela ont démultiplié les idées de la banque de Palmas (qui prête en monnaie uniquement utilisable dans le favela pour que les gens restent et développent le territoire local). Ainsi 51 banques de ce type se sont développées au Brésil et 2600 agences ont été ouvertes au Vénézuela. Ce même pays à même fait voter une loi pour créer une monnaie complémentaire par commune ! Un dernier exemple : mon livre sur l'innovation monétaire a été préfacé par Ibrahima N'Diaye, ministre de l'emploi et de la fomation permanente au Mali.
Cette contradiction apparente peut se comprendre si on dit que le danger de ces monnaies serait de développer des activités sans pouvoir les taxer et ainsi financer la collectivité. Si cette activité est peu importante comme dans les SELs, on peut considérer une tolérance (ce qui est le cas en France). Mais si l'activité est importante, comment faire ? Depuis plusieurs années, des solutions ont été proposées qui permettent de taxer des monnaies complémentaires simplement. Ainsi, il est possible de continuer de financer la collectivité, tout en lui offrant un outil puissant de développement en favorisant certaines activités ou certains territoires. Du coup nous discutons avec des collectivités en France et ailleurs, pour voir comment les monnaies complémentaires peuvent les aider à solutioner un certain nombre des questions qu'elles se posent.
Ces quinze dernières années ont été marquées par la "convergence" des sphères informatiques et télécom. Faut il désormais s'attendre à une "seconde convergence" et au rapprochement des sphères bancaires et numériques ?
JMC - C'est déjà le cas ! "L'argent papier" ne représente qu'une très petite partie des transactions financières. Notre argent est dématérialisé et n'est plus qu'un ensemble d'informations dans des serveurs informatiques. Ce qui est nouveau, c'est que même une organisation ou un particulier peut créer sa propre monnaies complémentaire (à condition qu'elle ne soit pas complètement dans le circuit des monnaies traditionnelles) grâce aux plates-formes dont nous avons parlé. La question qui se pose est donc la convertibilité entre ces monnaies complémentaires et les monnaies traditionnelles, que ce soit dans un sens ou dans un autre. Par exemple, certaines monnaies que l'on qualifie "d'affectées", ont pour but de favoriser un comportement humain (l'aide au personnes agées au Japon, les ativités culturelles à Bali ou encore le traitement des déchets comme nous l'avons vu au Brésil...). Dans ce cas, ces monnaies complémentaires "affectées" sont beaucoup plus efficaces si elles sont totalement étanches avec les monnaies traditionnelles, c'est à dire non convertibles. Ainsi, elles donnent un plus à une activité sans risque de se voir détourner vers d'autres activités.
Finalement on pourrait parler d'une nouvelle convergence... de l'innovation ascendante : nous avons 7 milliards de personnes qui peuvent potentiellement imaginer de nouvelles technologies, de nouveaux services ou de nouveaux usages que ce soit dans l'informatique et les réseaux, les télécoms, la fabrication et même dans l'économie, la finance et la monnaie. Même si un très petit pourcentage de personnes le font, cela fait beaucoup de monde pour inventer le futur...
JMC - Le fait que ce sujet, plus ancien qu'on ne le pense généralement, prenne une nouvelle dimension est dû à plusieurs facteurs : la crise financière et monétaire bien sûr, mais aussi l'arrivée depuis quelques mois de plates-formes permettant de créer sa monnaie sur internet ou sur téléphone mobile qui devraient démocratiser la conception et la diffusion de monnaies complémentaires. Nous devrions donc avoir une émergence de ce que l'on appelle l'innovation ascendante (une innovation faites par un très grand nombre de personnes plutôt que réservée à un petit nombre de chercheurs spécialisés). Pour prendre un exemple, le fait que l'informatique et les réseaux soient passés dans le monde de l'innovation ascendante grace aux micro ordinateurs, au Web et plus récemment au Web 2.0 fait que depuis 1993, la naissance du Web, jusqu'à nos jours il y a eu plus d'innovations (technologiques mais aussi de service ou d'usage) que depuis la naissance de l'humanité jusquà 1993. Que va t-il se passer quand cette explosion d'innovation ne va pas simplement concerner les services en ligne mais également d'autres domaines, y compris l'innovation monétaire ?
Les monnaies complémentaires facilitent CERTAINS échanges (sur une région, une communauté, un domaine comme le durable) contrairement aux monnaies conventionnelles. Il est donc possible de favoriser certaines activités ou certains territoires pour agir sur une communauté. L'impact de monnaies complémentaires sur notre société pourrait donc être majeur, même si elles n'ont pas pour vocation de remplacer les monnaies traditionnelles.
La monnaie est un lien social mais également l'une des expressions de la souveraineté des Etats. Pensez vous que les grandes puissances pourraient s'opposer voire combattre l'émergence de ces monnaies ?
JMC - On observe, de façon apparemment curieuse, l'inverse : c'est le maire d'une ville de deux millions d'habitants, Curitiba au Brésil, qui a lancé une monnaie pour résoudre à la fois ses difficultés de ramassage des déchets et ceux de développement du trafic (cette monnaies peut être gagnée en triant ses déchets et même pour les plus pauvres en ramassant les déchets dans les autres quartiers et peut être dépensée en transport en commun) . Plus récemment les gouvernements du Brésil puis du Vénézuela ont démultiplié les idées de la banque de Palmas (qui prête en monnaie uniquement utilisable dans le favela pour que les gens restent et développent le territoire local). Ainsi 51 banques de ce type se sont développées au Brésil et 2600 agences ont été ouvertes au Vénézuela. Ce même pays à même fait voter une loi pour créer une monnaie complémentaire par commune ! Un dernier exemple : mon livre sur l'innovation monétaire a été préfacé par Ibrahima N'Diaye, ministre de l'emploi et de la fomation permanente au Mali.
Cette contradiction apparente peut se comprendre si on dit que le danger de ces monnaies serait de développer des activités sans pouvoir les taxer et ainsi financer la collectivité. Si cette activité est peu importante comme dans les SELs, on peut considérer une tolérance (ce qui est le cas en France). Mais si l'activité est importante, comment faire ? Depuis plusieurs années, des solutions ont été proposées qui permettent de taxer des monnaies complémentaires simplement. Ainsi, il est possible de continuer de financer la collectivité, tout en lui offrant un outil puissant de développement en favorisant certaines activités ou certains territoires. Du coup nous discutons avec des collectivités en France et ailleurs, pour voir comment les monnaies complémentaires peuvent les aider à solutioner un certain nombre des questions qu'elles se posent.
Ces quinze dernières années ont été marquées par la "convergence" des sphères informatiques et télécom. Faut il désormais s'attendre à une "seconde convergence" et au rapprochement des sphères bancaires et numériques ?
JMC - C'est déjà le cas ! "L'argent papier" ne représente qu'une très petite partie des transactions financières. Notre argent est dématérialisé et n'est plus qu'un ensemble d'informations dans des serveurs informatiques. Ce qui est nouveau, c'est que même une organisation ou un particulier peut créer sa propre monnaies complémentaire (à condition qu'elle ne soit pas complètement dans le circuit des monnaies traditionnelles) grâce aux plates-formes dont nous avons parlé. La question qui se pose est donc la convertibilité entre ces monnaies complémentaires et les monnaies traditionnelles, que ce soit dans un sens ou dans un autre. Par exemple, certaines monnaies que l'on qualifie "d'affectées", ont pour but de favoriser un comportement humain (l'aide au personnes agées au Japon, les ativités culturelles à Bali ou encore le traitement des déchets comme nous l'avons vu au Brésil...). Dans ce cas, ces monnaies complémentaires "affectées" sont beaucoup plus efficaces si elles sont totalement étanches avec les monnaies traditionnelles, c'est à dire non convertibles. Ainsi, elles donnent un plus à une activité sans risque de se voir détourner vers d'autres activités.
Finalement on pourrait parler d'une nouvelle convergence... de l'innovation ascendante : nous avons 7 milliards de personnes qui peuvent potentiellement imaginer de nouvelles technologies, de nouveaux services ou de nouveaux usages que ce soit dans l'informatique et les réseaux, les télécoms, la fabrication et même dans l'économie, la finance et la monnaie. Même si un très petit pourcentage de personnes le font, cela fait beaucoup de monde pour inventer le futur...
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Lundi 13 Décembre 2010